Si tous les amateurs de hockey sont d'accord pour dire que les stades et leurs alentours ne sont et ne doivent pas être des zones de non-droit, certains clubs semblent avoir la main quelque peu lourde en matière de sanctions prises de manière arbitraire.
Deux exemples qui touchent des supporters fribourgeois, mais sans doute assez révélateurs de ce que d'autres ont dû vivre à travers le pays.
Je vous en avais fait part, en 2019, un incident avait éclaté à Rapperswil. 83 supporters du HC Fribourg-Gottéron avaient été interdits de stade pour une durée de 3 ans mais ils n’avaient finalement manqué que 6 matches de leur équipe favorite. Il aura fallu quatre ans pour que la majorité de ceux à qui des infractions pénales étaient reprochés soient blanchis par la justice.
Une autre affaire plus récente remonte au match du 29 octobre 2024 entre le HC Fribourg-Gottéron et le EHC Bienne. Peu après la rencontre, deux supporters fribourgeois ont reçu une interdiction de stade valable deux ans, couvrant l’ensemble des matches de hockey et de football en Suisse. Le motif ? Des actes de violence qui leur sont reprochés de toute évidence sans preuves tangibles puisque l'un deux n'était même pas présent à Bienne. Et pour le second, qui demeure pour l’heure interdit, ni le club biennois ni la SIHF n’ont pu démontrer son implication dans des actes de violence.
Deux tristes exemples qui ont poussé leur avocat fribourgeois Philippe Renz à monter au créneau et à interpeller par un courrier posté cette semaine plusieurs instances, la Conférence des directeurs cantonaux de justice et police, la Ville de Bienne, la Préfecture de Bienne et la fondation Swiss SportIntegrity. Dans sa dénonciation accompagnée de preuves de ce qui est avancé ci-dessus, l’avocat dénonce des pratiques qu’il juge illicites dans la gestion des interdictions de stade par la Swiss Ice Hockey Federation (SIHF), la National League (NL) et, dans ce cas-là, par le EHC Bienne.
Il y dénonce un système opaque, où les clubs et la COS (Commission pour l’ordre et la sécurité) de la SIHF et de la NL appliquent des interdictions souvent arbitraires. Selon lui, ces instances se cachent derrière le "droit de domicile des clubs" pour justifier leurs décisions. Pourtant, il rappelle que ce sont les contribuables qui sont appelés à financer une partie des frais des interventions des forces de police puis des ministères publics et des tribunaux, notamment lorsque les concepts antiviolences déraillent au sein des clubs. Et le fait que même au sein des patinoires, les principes de droit les plus élémentaires s’appliquent vis-à-vis des spectateurs. Or, les interdictions de stade sont imposées sans procédure transparente et sans possibilité de défense pour les supporters concernés. Contrairement au football, où un droit d’être entendu et des voies de recours existent, le hockey fonctionne avec un régime unilatéral, où les clubs et la COS imposent leurs décisions sans aucun contrôle externe.
Il va même plus loin en critiquant la gestion de la sécurité et la prévention des violences dans les stades. Il pointe du doigt une consommation excessive d’alcool, souvent sans contrôle, y compris auprès des mineurs. À ses yeux, les clubs ferment les yeux sur ce problème pour maximiser leurs revenus, tout en imputant les débordements aux supporters. Il estime que cette surconsommation alimente les comportements violents, créant ensuite des situations de tension avec les forces de l’ordre, qui doivent intervenir dans des conditions difficiles. La Conférence des directeurs cantonaux de justice et police avait déjà fait un tel lien entre alcool et violence en 2012, lorsqu’elle envisageait de limiter, voire d’interdire l’alcool dans les enceintes sportives (article du Matin sur le sujet).
Un autre sujet de controverse est la fameuse base de données HOOGAN de FEDPOL qui répertorie les personnes sanctionnées, un système qui demande plus de rigueur afin d’éviter que des supporters injustement interdits de stade y soient inscrits sans preuve tangible.
L'homme de loi qui a déjà plusieurs succès à son actif dans ce domaine compte bien faire bouger les choses et corriger les lacunes de ce système : dans sa dénonciation, il demande l’introduction d’un droit d’être entendu et d’une voie de recours pour les supporters visés par une interdiction de stade, la réorganisation de la COS pour éliminer ses conflits d’intérêts, un contrôle strict de la vente d’alcool dans les tribunes debout afin de protéger les mineurs, une révision complète du règlement d’ordre et de sécurité de la SIHF et de la NL et une enquête de Swiss Sport Integrity sur la gouvernance de ces deux entités.
Je ne manquerai pas de vous tenir informé de l'évolution de ce gros et sans doute long dossier.